Dans les relations en entreprise, ce qui est sous-entendu est si souvent sous-estimé et si dangereux

Porte ouverte MRS® #7 – La Proactivité relationnelle dans l’entreprise

Il y a des choses que l’on ne dit pas dans les organisations. Parfois, c’est une bonne intention de ne pas heurter, ailleurs, c’est la culture feutrée de l’entreprise où l’on se dit les choses sans les dire, ailleurs encore on prétextera qu’on n’a pas le temps ou que ce n’est pas utile, « on se comprend ! »

Que ce soit, un manque d’envie, de courage, de temps ou tout simplement de la bonne formule, claire, adulte, respectueuse, les non-dits restent sous-jacents et les tensions elles aussi. Jusqu’à l’explosion.

Il y a aussi dans nos environnements professionnels les tensions qu’on garde pour soi, les décisions qu’on n’a pas comprises, mais qu’on ne conteste pas.

Avez-vous vécu des réunions où vous sortez ayant encore des doutes, sans les avoir verbalisés.

Ces évitements, au début, semblent mineurs. Ils n’empêchent pas le travail. Et puis ils s’additionnent. Et au bout d’un certain temps, ils installent quelque chose d’autre : une forme de réserve méfiante. Une manière de se protéger. Un retrait imperceptible, une distance. Et pour finir, une perte d’élan collectif.

Ce n’est pas spectaculaire tout de suite et c’est bien réel. La proactivité baisse, l’énergie s’éteint, la production ralentit et ce n’est la faute de personne. Tout le monde est atteint. Le virus des non-dits a provoqué une épidémie : le présentéisme. Nous sommes là, mais pas vraiment là.

Dans notre travail de diagnostic des organisations, il s’agit là d’un signal que nous observons très tôt.

Ce n’est pas le conflit qui abîme l’organisation. C’est le manque de pratique des relations saines.

Ce que révèle l’indicateur #7 : la Proactivité relationnelle

Dans le Modèle de Résonance Systémique, la Proactivité relationnelle fait partie des neuf composantes qui permettent de lire la dynamique d’une organisation comme un système vivant.

La proactivité relationnelle, c’est la capacité à mettre sur la table un sujet sensible, au bon moment, au bon endroit.
C’est aussi une posture de régulation. On ne laisse pas traîner les tensions. On ne laisse pas les malentendus s’installer. Et on ne compte pas uniquement sur les personnalités “solaires” pour gérer l’ambiance.

Dans les entreprises et organisations où cette composante est active, les sujets se traitent plus tôt, plus clairement. Ce n’est pas que les gens s’entendent mieux. C’est qu’ils savent mieux comment s’ajuster. Ils savent comment dire les choses sans blesser. Et surtout, ils savent qu’ils en ont le droit.

Quand parler redonne de l’élan : Pixar, un exemple

Chez Pixar, lors de la production de Toy Story 2, l’équipe était face à un scénario qui ne fonctionnait pas[1]. Le projet avait pris du retard, et chacun avançait sans vraiment y croire.
Les réunions s’enchaînaient, mais les vraies questions n’étaient pas posées.

Jusqu’à ce qu’un des réalisateurs adjoints ose dire : “On est en train de rater notre film.”
Il ne l’a pas crié. Il ne l’a pas imposé. Il a juste nommé un ressenti partagé. Et ce simple geste a permis à d’autres de le rejoindre. Le scénario a été revu. L’énergie de l’équipe est revenue. Le projet a redémarré.

Chez Pixar, ce type de parole est encouragé. Ils appellent ça le « Braintrust » : un espace où chacun, quel que soit son rôle, peut exprimer ce qu’il voit ou ressent, sans crainte d’être jugé. Cela fait partie de leur manière de travailler, et cela se construit.

Quand le silence installe la distance : Michel & Augustin, un contre-exemple

Autre contexte, autre histoire. En 2019, l’entreprise Michel & Augustin change de direction.
Un des deux fondateurs quitte la structure, et un profil plus classique prend le relais, avec une culture plus structurée, issue d’un grand groupe.

Rapidement, des choses changent : plus de process, plus de reporting, moins d’initiatives locales.
Ce qui ne se dit pas immédiatement, c’est que le style managérial passe mal[2]. Certains collaborateurs ne se reconnaissent plus. Mais les retours sont rares. Les désaccords restent internes. Et les signaux faibles ne remontent pas.

En quelques mois, plusieurs personnes clés quittent l’entreprise. L’identité de la marque, qui reposait autant sur ses produits que sur son ambiance, s’effrite.

Il ne s’agit pas d’une erreur stratégique. Le projet restait bon. Mais la circulation de la parole s’est refermée. Et avec elle, une partie de la dynamique interne.

Ce que les dirigeants se doivent d’observer

Dans les organisations que nous accompagnons, il y a une constante : plus une entreprise est exigeante dans ses objectifs, plus elle a besoin de réguler ses relations de façon fluide.

Cela ne veut pas dire basculer dans le tout émotionnel. Cela signifie créer des conditions claires pour que les sujets importants ou sensibles puissent être posés.

Souvent, cela commence par quelques observations simples :

  • Est-ce que les tensions circulent, ou se figent ?
  • Est-ce que certaines personnes finissent par se taire, alors qu’elles avaient une voix active ?
  • Est-ce que les retours critiques remontent jusqu’à la direction, ou se perdent en route ?
  • Est-ce que les réunions permettent de dire les choses… ou simplement de faire bonne figure ?

Ces questions, quand on les pose à un comité de direction ou à une équipe RH, donnent souvent lieu à des réponses nuancées. Et c’est normal. Parce que ce n’est pas une case à cocher. C’est un niveau de vigilance collective.

Ce que nous proposons dans les séminaires MRS VIP

En pratiquant un diagnostic MRS, nous interrogeons ce type de dynamique. Ce ne sont pas des ressentis vagues. Ce sont des données organisées, analysées, comparées, dans un cadre anonyme et structuré.

Nous repérons :

  • là où la parole circule,
  • là où elle est bloquée,
  • là où elle pourrait se rétablir facilement,
  • et là où elle demande un vrai travail de réorganisation.

Dans le cadre de nos séminaires MRS VIP, nous allons plus loin.
Nous ne nous contentons pas de mesurer. Nous travaillons avec les dirigeants sur la façon d’ouvrir ou de rouvrir des espaces de régulation. Cela se fait en toute confidentialité, avec méthode, sans mise en accusation.

L’objectif n’est pas de mettre les équipes “au confessionnal”, mais d’identifier les bons leviers pour remettre du mouvement là où les choses commencent à se figer.

En résumé

Les non-dits ne sont pas un problème secondaire.
Ils sont souvent un indicateur avancé d’un ralentissement relationnel. Et dans des contextes à fort enjeu, cela devient un risque stratégique.

La Proactivité relationnelle, telle que nous l’observons dans notre modèle, est un mécanisme de santé collective. Il peut être stimulé, régulé, piloté.

Et parfois, il suffit de peu de choses pour que la parole revienne, et avec elle, la dynamique d’une équipe.

Si ce sujet vous parle, nous pouvons en discuter.

En une session d’échange confidentielle, nous pouvons vous proposer une première lecture de votre situation, et voir si notre approche peut vous être utile.

Parce qu’au fond, les leaders ne doivent pas tout porter seuls.
Mais ils ont la responsabilité de poser le cadre dans lequel les choses peuvent être dites, sans détour, et sans violence visible ou invisible.

Tableau – Prévenir les non-dits dans l’organisation

Indicateurs de risqueConséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Peu de retours spontanés en réunion, surtout sur les décisions sensiblesRetrait des collaborateurs, désengagement silencieuxInstaurer un temps dédié aux retours différés (ex : feedback 24h après une annonce)
Feedbacks critiques exprimés uniquement en aparté ou en offCulture de double discours, perte de confiance managérialeClarifier le “droit au désaccord” dans les espaces collectifs et modéliser ce comportement
Baisse de participation aux réunions ou présence passiveFatigue relationnelle, perte d’élan collectifPoser la question en 1to1 : “Qu’est-ce que tu n’as pas dit ces derniers temps, et que tu penses important ?”
Certains managers “filtrent” trop les remontées terrainDécalage entre direction et opérationnel, mauvaise lecture du climatMettre en place un canal d’expression direct (baromètre anonyme, boîte à sujets, groupe miroir)
Rupture de dialogue entre équipes ou entre niveaux hiérarchiquesZones de tension gelées, jeux de territoireOrganiser une session croisée entre équipes avec médiation (externe ou RH) centrée sur les attentes mutuelles
Des départs se succèdent sans que les causes profondes soient partagéesÉrosion de la culture, fuite des talentsFaire un retour post-départ en collectif (sans nommer la personne) pour traiter les causes systémiques

Indicateur de risque : Peu de retours spontanés en réunion, surtout sur les décisions sensibles

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Retrait des collaborateurs, désengagement silencieuxInstaurer un temps dédié aux retours différés (ex : feedback 24h après une annonce)

Indicateur de risque : Feedbacks critiques exprimés uniquement en aparté ou en off

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Culture de double discours, perte de confiance managérialeClarifier le “droit au désaccord” dans les espaces collectifs et modéliser ce comportement

Indicateur de risque : Baisse de participation aux réunions ou présence passive

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Fatigue relationnelle, perte d’élan collectifPoser la question en 1to1 : “Qu’est-ce que tu n’as pas dit ces derniers temps, et que tu penses important ?”

Indicateur de risque : Certains managers “filtrent” trop les remontées terrain

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Décalage entre direction et opérationnel, mauvaise lecture du climatMettre en place un canal d’expression direct (baromètre anonyme, boîte à sujets, groupe miroir)

Indicateur de risque : Rupture de dialogue entre équipes ou entre niveaux hiérarchiques

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Zones de tension gelées, jeux de territoireOrganiser une session croisée entre équipes avec médiation (externe ou RH) centrée sur les attentes mutuelles

Indicateur de risque : Des départs se succèdent sans que les causes profondes soient partagées

Conséquences possiblesActions à mettre en œuvre
Érosion de la culture, fuite des talentsFaire un retour post-départ en collectif (sans nommer la personne) pour traiter les causes systémiques

Voulez-vous faire un Auto-diagnostic express de votre organisation sur la composante #7 MRS

La Proactivité Relationnelle

Instructions : Cochez les cases qui vous semblent correspondre à ce que vous observez dans votre organisation ou équipe. Si vous cochez 3 cases ou plus, une action ciblée est recommandée.

Indicateurs observables

  • Dans les réunions, peu de personnes osent exprimer un désaccord ouvertement.
  • Les retours critiques sont souvent faits en aparté, après coup, ou de manière indirecte.
  • Certains collaborateurs participent moins activement qu’avant, sans raison apparente.
  • Les tensions interpersonnelles ne sont jamais évoquées en collectif, seulement à l’initiative de la direction.
  • Les retours terrain mettent du temps à remonter à la direction, ou sont filtrés.
  • Des personnes clés ont quitté l’organisation récemment, sans que les causes aient été discutées en interne.
  • Des malentendus ou frictions se répètent entre équipes ou services, sans réelle résolution.
  • Des sujets sensibles ne sont jamais abordés, même lorsqu’ils ont un impact visible.
  • Le “climat général” semble calme… mais plusieurs signaux faibles laissent penser que des choses ne sont pas dites.

Lecture du score

  • 0 à 2 cases cochées :
    Votre organisation semble disposer d’un bon niveau de régulation relationnelle. Restez vigilant·e aux signaux faibles.
  • 3 à 5 cases cochées :
    Vous êtes dans une zone à surveiller. Il est sans doute temps d’ouvrir un espace de parole sécurisé ou de mesurer plus finement l’état relationnel (ex : mini-sondage, entretiens croisés).
  • 6 cases ou plus cochées :
    Votre système relationnel est probablement en ralentissement profond. Il est recommandé de poser un diagnostic externe (type MRS) pour éviter que les non-dits ne se transforment en retrait ou en conflit.

[1] Source : Ed Catmull – Creativity Inc.

[2] Source : Les Échos Start, 2020 – “Michel & Augustin : que reste-t-il de la start-up joyeuse ?”