Arrêtez

de nous partager

des trucs !

Avez-vous remarqué cette nouvelle hérésie grammaticale consistant à supprimer le mot « avec » du verbe partager ?

Nos réseaux sociaux sont inondés de personnes bien intentionnées qui viennent nous partager des choses. Celle-ci vient nous partager une idée, cet autre nous partage des images.

Seulement voilà, quand je « vous » partage quelque chose, cela signifie que je vous en donne seulement une part… Je ne vous donne pas tout.

Si je partage cette même chose « avec » vous, alors nous en profitons ensemble.

Le virus dans la grammaire est installé. Et les personnes les plus respectables semblent avoir choisi cette bien faible formule grammaticale en s’imaginant généreux. Si on regarde de près le sens de la phrase les gens qui nous partagent un truc ne font finalement que nous l’imposer en prenant l’air de rien…

Ô combien pratique de s’éviter de faire avec l’autre, ô combien confortable de s’épargner de faire ensemble… Pour faire ensemble, il faudrait faire preuve de cette forme de courageuse d’empathie qu’on appelle la compassion.

Quelle erreur de croire que la compassion est une forme d’humanisme !

C’est de cette manière que générations après générations, elle s’est retrouvée déléguée à ceux qui aident, ceux qui sauvent, ceux qui accompagnent. Comme si on avait oublié l’origine du mot lui-même qui signifie dans sa racine latine, « co passio », souffrir avec. Ressentir avec. Vivre ensemble en somme.

« Ensemble » et « avec » se sont effacés derrière « pour ». 

Faire pour l’autre au lieu de faire avec l’autre.

« Tu sais, dit le bien-pensant se prenant pour un bien-veillant, je fais ça pour toi… »

Quelle subtile condescendance !

Et si je préfère, moi, faire ensemble, vivre ensemble, souffrir ensemble aussi parfois.

La compassion est à la fois, une décision, une éthique et une attitude observable tous les jours.

Ou pas.

Il est de bon ton dans ces années 20 du troisième millénaire, dans ces années folles, de parler à pleine bouche de bienveillance dans tous les salons, qu’ils soient en entreprise, en politique comme en négociation.

Pour ma part, j’ai fait mon fer de lance depuis 30 ans de la communication saine et constructive. Mon observation : rares sont les personnes qui vivent la bienveillance autrement que comme une valeur surannée, un peu utopique mais qu’on ne peut pas rejeter car ce serait mal vu.

Je lui préfère de très loin la compassion, qui n’est pas une valeur mais bien une compétence courageuse. Car je préfère que l’on me propose de vivre avec moi, (co-passio) que de veiller sur moi. Merci bien, je veille très bien sur moi tout seul. Voulez-vous vivre des projets avec moi ? Voulez-vivre des moment passionnés, passionnants ?

Oui ?

Alors faisons-le dans la compassion qui est un courage et pas juste un joli mot dont le sens s’épuise dans les regards condescendants des donneurs de leçon de tous poils.