La Peur
Le super pouvoir des gens brillants !

Tasse à café et livres pour illustrer la peur

« J’ai peur, mais les autres non ! »
« Si je montre ma peur, on va me prendre pour quelqu’un de faible. »
« Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à me débarrasser de mes peurs ? »

Nous avons appris à voir la peur comme un obstacle, une émotion qu’il faudrait éliminer pour être forts et rationnels. En réalité, elle est un antivirus de première classe, installé d’origine. Elle ne fait pas de prisonniers, elle scanne le danger et lance l’alerte.

Et parfois, elle tape un peu fort et nous nous en passerions volontiers, et bien c’est pour la bonne cause.

Contrairement aux idées reçues, la peur ne nous affaiblit pas, elle n’est pas responsable de notre effondrement physique ou psychologique, ce n’est pas son rôle. Ce rôle est souvent ignoré et nous avons tendance à confondre l’impact de la peur avec la peur elle-même. Le mot n’est pas le geste.

Un être humain sans peur serait inconscient du danger et certains de penser qu’il est courageux lorsque le courage n’a rien à y voir, la bêtise, en revanche…

 À l’inverse, un être humain qui comprend ses peurs et les écoute, développe son intelligence pour analyser, prévoir et éviter ce qui peut nuire à sa survie et à son équilibre​.

Bref, la peur est un signal d’alerte essentiel. Une fois comprise et écoutée, c’est une alliée qui nous permet d’anticiper, d’apprendre et de nous protéger des dangers dont elle nous fait ressentir la proximité.

Comment transformer cette émotion en un véritable levier d’apprentissage et de maîtrise de soi ? Je vous invite à explorer les trésors de cette mal-aimée.

Décomposons pour commencer le circuit de la peur

Mes chères sœurs et mes chers frères, êtres humains en tous genres, sous disposons tous, , d’un kit émotionnel dans le cerveau limbique dont la fonction est de survivre et si possible vivre… heureux. Ce kit est équipé d’un socle de cinq émotions, dites fonctionnelles ou vitales. Comme nos organes vitaux, elles ont chacune un rôle clé dans notre développement, que ce soit le développement des individus tout au long de leur vie ou le développement de l’espèce humaine. Rien que ça.

C’est dire si ça vaut le coup de se pencher dessus !

Ces cinq émotions font l’objet, chacune d’un article comme celui-ci pour mes visiteurs connus et inconnus.

Le chagrin, le dégout, la joie, la colère (à venir), et ici, la peur.

Si vous commencez par cet article, que retenir du circuit des émotions ?

  • Le chagrin nous alerte de la douleur de la perte, pour que nous prenions le temps de l’évacuer et reprendre le cours de notre vie.
  • Le dégout nous alerte de risques toxiques pour que nous prenions rapidement la décision de nous en éloigner.
  • La colère nous alerte d’un obstacle sur notre route que nous devons surmonter.
  • La peur, notre thème du jour, nous alerte d’un danger pour que nous prenions les mesures nécessaires pour l’éviter.
  • La joie est la seule des cinq émotions vitales supposée représenter une expérience agréable et inspirante. Elle est notre alpha, car c’est l’état naturel de l’enfant, et l’oméga car nous aspirons tous à la retrouver quand elle n’est plus là. Sa fonction n’est pas d’alerter, c’est d’autoriser. Une autorisation de n’avoir ni peur, ni colère, ni dégout, ni tristesse pour être juste soi, ici et maintenant sans limites, ni règles.

Chacune de ses émotions ne dure que quelques secondes, parfois une seule, parfois une fraction. Les anglo-saxons ont une jolie formule :

Emotion = Energy in Motion

Dit autrement pour avoir l’être malin en soirée : l’émotion est un stimulus du cerveau limbique qui déclenche un déplacement d’hormones dans notre système, sensées nous booster pour agir sur l’alerte lancée.

Par exemple, je ressens la peur, signifie que je ressens une émotion qui n’est autre qu’un flot d’adrénaline et de noradrénaline.

Ces deux drogues épatantes sont supposées décupler ma force physique et mon intelligence intellective, pour peu qu’elles soient montées au cerveau, afin de me permettre de réduire, fuir, éviter, contourner le danger.

Ne confondons pas donc l’émotion peur, et le sentiment et les humeurs qui en découlent.

Paul Ekman[1], dans ses passionnants travaux sur les émotions nous propose de découper le circuit des émotions comme suit :

  1. Un stresseur  est perçu plus ou moins consciemment (par exemple une explosion plus bas dans la rue)
  2. Le cerveau limbique identifie un danger et envoie les hormones de la peur (noradrénaline et adrénaline)
  3. Sous l’effet de ce cocktail nous sursautons, nous mettons en vigilance maximale nos cinq sens, prêts à courir. Ceci est ce qu’on appelle le ressenti. Si nous accédons à la pensée claire suffisamment rapidement, nous identifions sans doute qu’il s’agissait seulement de gamins qui jouaient avec des pétards pour la fête de la musique. Reprenons nos esprits et le cours de notre vie.
  4. Nous appelons sentiments, les mots que nous employons pour décrire le ressenti, par exemple, dire « J’ai peur » n’est pas l’émotion, c’est un sentiment. C’est ici que se joue un moment clé : que faisons-nous de cette émotion, du ressenti et du sentiment qui en découle ? Si nous sommes parvenus à ventiler l’impact de l’adrénaline, peut être en nous ébrouant, en riant ou en prenant de profondes respirations, l’impact de la peur s’évanouit et nous retrouvons la paix.
  5. Si, en revanche, nous nous embarquons dans un discours interne pour entretenir l’émotion et ne faisons pas taire la voix qui retient la peur au lieu de lui dire aurevoir, nous créons un nouvel état émotionnel appelé humeur. Les humeurs sont finalement ce que nous voudrions tous « gérer » quand nous disons que nous voulons mieux gérer nos émotions. Une émotion ne se gère pas. Encore heureux, elle est notre meilleure alliée.

Dans le cas de la peur, les humeurs que nous pourrions entretenir en ressassant des idées effrayantes sont l’anxiété, l’inquiétude, l’angoisse et la parano pour n’en citer que quatre ? Aucun de ces quatre états n’est une émotion. Ce sont chacune, des humeurs. Et, ça, les humeurs, nous pouvons les gérer, il suffit de se parler à soi-même pour les faire taire.

Alors bon, dit comme ça, je fais comme si c’était facile et je fais semblant d’oublier que certaines peurs sont paralysantes. La plus célèbre et sans doute une des plus avouables est la peur de parler en public. On lui a même trouvé un nom : le trac !

Pour certaines personnes le trac paralyse le corps et l’esprit tout en même temps.

Il a des origines différentes mais il emprunte toujours le même circuit.

Les peurs paralysantes, le circuit du trac

Le stresseur dans le cas du trac, c’est le regard du groupe qui réveille toute sorte d’alerte de danger.

L’émotion est la peur qui déclenche un flot d’adrénaline.

La paralysie intervient. Mais pourquoi ?

Demandez aux personnes sujettes au trac paralysant et demandez-leur, et demandez-vous : où se loge mon trac quand je suis paralysé.e par la peur du regard des autres ?

Je tremble, ma gorge est nouée, je n’arrive pas bien à respirer, j’ai mal au ventre, je sue comme sous les tropiques, mes jambes m’échappent, j’ai un trou mental béant et ne peux plus prononcer mon nom, j’ai les mains moites, j’ai envie de vomir… La liste est longue car nous sécrétons notre surdose d’adrénaline chacun et chacune dans une partie différente du corps.

La paralysie du trac est très handicapante car il faudrait que l’adrénaline circule dans mon corps pour me donner de la force physique et jusqu’à mon cerveau pour me donner de la voix et de l‘esprit.

Lorsque je fais des coachings de prise de parole en public, mes clients sont stupéfaits de la méthode que je leur donne pour vaincre la paralysie du trac. J’ai deux méthodes et elles sont infaillibles parce que je sais ce qu’est la première des choses à faire face à la paralysie du trac : faire circuler l’adrénaline dans tout mon corps plutôt que la laisser sourdre dans un seul endroit.

Astuce #1 : Déplacer des meubles, chaise, pupitre, fauteuil, n’importe quel objet lourd et ainsi faire circuler l’adrénaline.

Astuce #2 : S’arranger pour avoir un verre d’eau et une bouteille à quelques mètres et se déplacer pour se servir un verre.  Et boire. Ceci obligera en plus à respirer et présentera l’avantage de donner quelques secondes socialement acceptées pendant lesquelles l’on est pas obligé.e de parler.

Il existe bien sûr des peurs paralysantes où c’est encore le meilleur choix de ne pas bouger, par exemple lors d’une attaque de Tyrannosaure Rex. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

La peur est-elle toujours justifiée ?

Si j’ai décidé pour ma part de toujours faire confiance à mon cerveau limbique que je considère mon meilleur pote (c’est aussi là qu’est logé ce qu’on appelle l’inconscient), ça ne veut pas dire qu’il a toujours raison de m’alerter d’un danger. Parfois, il se trompe, parfois il me ramène un vieux machin de mon enfance que je n’ai pas bien nettoyé à l’âge adulte. C’est pour ça que connaître le circuit de la peur est le meilleur moyen de développer de l’intelligence. La capacité de faire le tri dans nos peurs en apprenant à se poser les bonnes questions pour développer de la vigilance, de l’anticipation, des solutions, et de belles constructions durable et solides, pour se faire confiance et savoir pourquoi devient une compétence émotionnelle[2] fondatrice qui est le fruit de la maitrise du circuit de nos peurs.

Et puis vous savez quoi ? Quand vous freinez brutalement pour éviter l’hurluberlu qui vous faisait une queue de poisson dangereuse sur l’autoroute, c’était de l’intelligence émotionnelle. Certes un circuit court qui ne faisait pas appel à l’intellect, mais rudement épatant quand même.

La peur c’est génial je vous dis !


Question émotionnelle #1 :

Connaissez-vous les déclencheurs de vos peurs ?

Si votre réponse est « Pas vraiment », il est temps d’apprendre à les identifier. Auriez-vous tendance à dire « je suis une nature stressée », c’est peut-être juste que vous n’avez pas encore identifié vos stresseurs. Il vous reste donc une enquête émotionnelle à mener.

La peur n’apparaît jamais sans stresseur. Elle est déclenchée par un élément précis, même si nous n’en avons pas toujours conscience.

  • Votre peur est-elle liée à un danger physique, un échec, un jugement des autres ?
  • S’agit-il d’une peur apprise dans l’enfance ou d’une expérience récente ?
  • Est-ce une peur réelle, une interprétation ou une projection mentale ?
  • S’agit-il d’une sirène interne qui réagit à des souvenirs, des jugements, des vieux scénarios familiaux non mis à jour depuis 1998 ?   
  • Est-ce une peur actuelle… ou un remake mental d’un film déjà vu 100 fois ?

Mode d’Emploi Express : Identifier et comprendre vos déclencheurs

  1. Repérez les situations où votre peur se manifeste. Notez-les dans un carnet.
  2. Identifiez le moment précis où l’émotion surgit. Est-ce un lieu, une personne, un souvenir ?
  3. Posez-vous la question : « Cette peur est-elle rationnelle ou amplifiée par mon mental ? »
  4. Sans attendre, cherchez comment atténuer ou éviter les dangers réels perçus.

À tester : La prochaine fois que vous ressentez de la peur, au lieu de la fuir, observez son déclencheur. Nommer pour vous même ce qui l’a déclenchée. Passer par votre intelligence analytique vous aidera faire circuler plus paisiblement l’adrénaline et commencer à agir pour vous protéger du danger. Pourquoi ?

Parce qu’en réfléchissant et en nommant ce qui se passe vous prenez le temps de réactiver votre cerveau pensant (le néocortex) pour qu’il prenne le relais du cerveau émotionnel (le limbique).

Le jour où j’ai compris pourquoi j’avais peur
« Depuis toujours, j’avais une boule au ventre quand je devais dire non. Même pour un café.
Puis j’ai compris que dans mon enfance, dire non entraînait des remontrances.
Mon cerveau avait enregistré : ‘refuser = punition’. 
Une fois ce scénario identifié, j’ai pu appuyer sur ‘modifier’, et surtout sur ‘sauvegarder’.

Aujourd’hui, je sais dire non, poliment… mais fermement.
Et sans suer à grosses gouttes. »

Témoignage DE Maxime, 34 ans, Programmeur (ses métaphores ont sans doute spoilé son job, pas vrai ?)

Question émotionnelle #2 :

Votre réaction à la peur vous a-t-elle permis de vous protéger ou de freiner quelque chose d’important ?

Soyons honnêtes. Parfois, la peur ressentie nous évite de faire des bêtises comme refuser de répondre à la provocation d’un mal embouché dans une rue déserte à 2 heures du mat’. Et parfois elle bloque la porte de nos propres rêves et de nos ambitions.

C’est là que le tri devient crucial : entre la peur-bouclier et la peur-cadenas.

Notre manière de répondre à notre peur peut être un outil de protection utile (éviter un réel danger) et elle peut aussi devenir un obstacle si nous nous empêchons d’avancer vers ce qui est bon pour nous.

Mode d’Emploi Express : Faire la différence entre une peur utile et une peur limitante

  1. Décrivez sur une feuille de papier une peur que vous traînez comme un vieux sac de sport que vous n’avez jamais voulu jeter. 
  2. Écrivez ce que vous vous empêchez de faire au nom de cette peur, et ainsi ce que cela vous permet d’éviter. 
    Posez-vous cette question : « À qui profite le crime ? » Votre peur sert-elle vos intérêts cachés, vos doutes, votre faible estime de soi, ou sert-elle vraiment à écarter un danger ?

    À tester : Donnez un prénom à votre peur (oui, sérieusement). Parlez-lui. Faites-la parler. Et négociez comme avec une colocataire attachiante que vous savez très maline. Demandez vous « Si cette peur était une alerte utile, que me dirait-elle ? » 

J’ai appris à faire de ma peur une alliée
« J’avais peur de changer de carrière. Je me disais que j’étais trop âgée, pas assez bonne, pas prête. Jusqu’au jour où je me suis demandé pourquoi j’étais aussi anxieuse.
J’ai vite vu l’évidence : je voulais que être sûre de ne pas échouer. 
J’ai confronté mentalement mon anxiété et lui ai dit :

‘OK, et bien je préfère échouer à essayer que réussir à m’enterrer vivante’.
Depuis, même si elle me suit encore, elle a perdu beaucoup de son pouvoir sur moi. » 

Témoignage DE Camille, 44 ans, ex-peureuse heureuse

Question émotionnelle #3 :

Êtes-vous capable d’agir malgré votre peur ?

Il y a deux catégories de peureux : 

  • Ceux qui attendent que la peur disparaisse pour bouger et qui, et bien disons-le, attendent encore. 
  • Ceux qui avancent avec la peur sous le bras comme un pack de six bouteilles d’eau, mais qui avancent quand même.

Mode d’Emploi Express : Passer à l’action même avec la peur

  1. Identifiez une peur paralysante. Notez son nom et décrivez le danger que vous percevez.
  2. Divisez l’action en petites étapes gérables. Plutôt que de tout affronter d’un coup, avancez progressivement.
  3. Faites le premier pas en acceptant d’avoir peur. Ne cherchez pas à la supprimer. Rappelez-vous, c’est une alliée.

À tester : Prenez une action que vous repoussez par peur et engagez-vous à mettre en place un plan malgré l’inconfort. La peur, vous le constaterez, diminue une fois que vous passez à l’action et bâtissez des solutions pour réduire les dangers perçus.

J’ai osé affronter ma peur et ça a tout changé
« A quinze ans je me suis découvert une passion pour les voyages et surtout longs courriers.
Lors de mon premier vol en avion je me suis aussi découvert une terreur insurmontable de l’avion.
Dès l’arrivée à l’aéroport je commence à ressentir un malaise, je pleure à chauds bouillons au décollage et suis terrorisée par les turbulences. J’en parle avec mon papa qui me dit que David Bowie était aussi terrorisé par l’avion et que toute sa vie il a effectué de longs voyages en bateau. Il faut préciser que si mon père peut placer David Bowie dans une conversation, il le fait.
J’ai pris une décision différente de l’artiste et j’ai été chercher de l’information auprès de notre amie Chouchou qui est pilote de ligne. Elle m’a expliqué beaucoup de phénomènes que je ne comprenais pas comme les turbulences. Je suis désormais incollable sur les risques réels en avion. Si ça devient nécessaire, je me ferai le stage d’Air France pour les personnes qui ont peur en avion comme moi.
Aujourd’hui je vole et il serait fou de dire que je n’ai plus peur. J’ai moins peur, c’est sûr et je m’assure mon rêve de vie, voyager, loin, vite, tant que ce sera possible… »

Témoignage de Mathilde, ma fille (je sais je sais… En même temps, les témoignages faut aller en trouver hein !)

[1] Paul Ekman, Emotions revealed

[2] Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle