« La joie n’est pas seulement une récompense… c’est une décision, un médicament, une solution, une confirmation, un projet. »

Illustration petit déjeuner

Non, désolé, nous ne sommes pas tous égaux face à la qualité de notre vie au quotidien parce qu’elle dépend de notre capacité à créer, accepter, faire perdurer des instants de joie, carburant indispensable à la confiance dans la vie.

Quand nous le faisons, notre cerveau (limbique) va créer un cocktail hormonal puissant qui permettra plusieurs choses :

  • D’abord un ressenti de plénitude.
  • Ensuite générer un souvenir émotionnel réutilisable si nécessaire
  • Et aussi un renforcement de l’amour de soi
  • Mais encore un jalon de plus vers une vision optimiste du monde et de la vie.

Seulement voilà, pour tout ça, il faut bosser un peu. On ne peut pas laisser le hasard décider pour nous du développement de notre capacité à  l’estime de soi, l’estime des autres et le respect de la vie.

La joie est non seulement un phénomène émotionnel complexe et génial, c’est aussi une compétence. C’est ça que tout le monde semble ignorer.

Il est particulièrement réducteur de croire que la joie appartient aux moments de plaisir, aux éclats de rire, ou à de fugaces rencontres avec la chance. La chance… Quel concept de victime !

Rappelez-vous aussi comment la joie se voit sabotée au quotidien par ceux qui pensent qu’elle se mérite.

« Ne ris pas trop fort. » « Redescends. » « Ça ne va pas durer. » « Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle. »

J’avais même une mauvaise tante quand j’étais môme et déjà joyeux qui me lâchait parfois : « tu crois que tu as l’air intelligent quand tu ris comme ça ? »

D’aucun confondent l’euphorie, l’insouciance, l’exaltation avec la joie et s’effraient.
Alors, remettons l’église au milieu du village et explorons ce qu’est cette émotion.[1]

La joie est une émotion fondamentale et fondatrice. Selon les travaux du docteur Paul Ekman, référent en la matière, elle fait partie du quintet des émotions fonctionnelles (la joie, la peur, le chagrin, le dégoût et la colère).

Cela signifie qu’elle est bien plus qu’un indice de plaisir.

Elle est une fonction essentielle de notre développement, à la fois en tant qu’individu et en tant qu’espèce. C’est notre Alpha et Oméga puisque que la joie est l’état originel dont nous venons et l’état final auquel nous aspirons.

Levons aussi le mythe selon lequel la joie est toujours bruyante comme un enfant jouant dans la neige. La manifestation de cette émotion peut être silencieuse et apaisée.

La définition la plus simple que nous en donne le professeur John Parr est :  La joie est l’émotion ressentie quand les autres sont absentes : ni peur, ni colère, ni dégout, ni tristesse, juste l’instant de paix.

John Parr

Elle devient alors une condition de notre développement et de notre alignement avec le monde.
C’est une quête et un moyen pour prolonger naturellement la résonance intérieure,  la paix, la sérénité et l’optimisme.

Un truc que tout le monde appelle bonheur sans trop savoir le définir. Eh bien voilà qui est fait !

En terme purement physiologique la joie est un message de notre cerveau limbique qui déclenche une permission (et non une alerte comme ses quatre frangines chagrin, colère, dégoût et peur).

Cette permission est indispensable à notre équilibre existentiel, c’est celle de lâcher prise et de laisser à l’air libre notre enfant intérieur. Une fois la dopamine libérée dans le système nous vivons un flux parfois très bref de liberté et de plaisir, ce flux déclenche un sourire irrépressible, une ouverture des pupilles, parfois une réaction plus longue comme un rire sonore, une chanson, une danse pendant laquelle, plus rien n’a d’importance que le moment présent, le plaisir de vivre et d’être soi.

A chaque décharge de joie, si fugace fut-elle, nous faisons l’expérience de l’amour de soi, de l’oubli de tout ce qui pèse, et de l’optimisme hors du champs de la pensée.

Comme un déjà-vu, parfois, à peine s’est-elle installée qu’elle s’est dissoute dans l’air du soir.

Qui oserait me dire que ce n’est pas une merveille que cette émotion-là ?

Il convient mes sœurs, mes frères humains de cesser de juste espérer la joie, il nous faut l’honorer, la comprendre, et l’activer consciemment.


Question émotionnelle #1 :

Connaissez-vous les déclencheurs clés de votre joie authentique ?

C’est une question plus profonde qu’il n’y paraît. Beaucoup confondent joie et plaisir, ou désir et excitation. Mais la joie véritable, celle qui vient du centre et génère la paix et la confiance, ne se résume pas à une stimulation extérieure.

Est-ce un moment de lien ?

Une réalisation personnelle ?

Une connexion à quelque chose de plus grand que soi ?

Quoi enfin ?… Ça dépend, c’est aussi personnel qu’un grain de beauté.

Mode d’Emploi Express : Identifiez vos déclencheurs

Repensez à trois moments où vous avez ressenti une joie simple mais puissante et durable. Qu’avaient-ils en commun ?

  1. Notez s’ils étaient liés à une action, à une relation, à une situation, une réalisation.
  2. Vérifiez à quel point vous vous êtes senti non seulement bien, mais aussi, libre.
  3. Écrivez s’il le faut, comme le ferait un scientifique consciencieux, la liste de vos déclencheurs les plus efficaces.

À tester dès tout de suite :

Dessinez ou créez une « cartographie de votre territoire de joie » : lieux, personnes, activités qui vous permettent de vous reconnecter à votre bien-être et votre « enfant intérieur », attention hein ! celui qui rit, pas celui qui a peur.

« J’ai longtemps cru que la joie, c’était réservé aux enfants ou aux gens qui n’ont pas de problèmes.
Et puis un jour, en marchant seule dans la nature, j’ai senti une vague me traverser.
C’était doux, vibrant, silencieux… de la joie, brute. 
J’ai compris que la joie ne dépendait pas des circonstances.

Mais de ma capacité à être présente, pleinement.
Depuis, je la reconnais plus souvent. Elle vient quand je ne l’attends pas.
Et j’apprends à la retenir et en profiter un peu plus longtemps.» 

Témoignage de Léa, une collègue thérapeute

Question émotionnelle #2 :

La joie vous fait-elle peur ?

Étrangement, oui, nombreux parmi nous ont peur de la joie.

Deux raisons à cela :

  1. La première raison, la joie implique de s’ouvrir, de lâcher prise, de s’autoriser à vibrer et ne plus contrôler. Qui dit ouverture dit vulnérabilité. Et pour certains, l’émotion qui domine est alors la peur.
  2. La seconde raison est une raison plutôt justifiée, nous confondons la joie avec les humeurs qui lui ressemblent ou en découlent comme l’euphorie, l’exaltation, l’insouciance, la naïveté, l’illumination… tous ces états émotionnels sont en effet à risques. Ils ressemblent à la joie mais sont en réalité le fruit de notre construction mentale et non l’émotion joie elle-même. Sans doute sujets à une addiction à la drogue que la joie génère (la dopamine), nous allons inconsciemment chercher à en provoquer la sécrétion pour faire durer cet état et fuir la réalité. Ce qui n’a rien à voir avec lâcher prise un court moment. La joie est une permission, ces humeurs représentent un vrai risque.

Observez vos réactions face à un moment joyeux : le fuyez-vous ? Le retenez-vous ? Avez-vous tendance à la minimiser ? « Faut pas exagérer. » « Ça va passer. » 
Avez-vous peur qu’elle soit suivie d’un retour de bâton ?

Avez-vous vécu des retours de bâton ?

Mode d’Emploi Express : Dédramatisez la joie

  1. Interrogez la croyance (pour lui tordre le cou) : « Ai-je le droit d’être heureux.se sans culpabilité ? » 
  2. Apprenez à respirer dans la joie, comme on apprend à expulser dans le chagrin.
  3. Faites la différence entre la joie authentique et les humeurs addictives source de plaisir mais pas de véritable joie.

À tester dès tout de suite :

Faites le vide dans votre pensée. Trouvez un endroit qui vous plait. Choisissez de ne rien faire d’autre que savourer un moment de paix pendant trois minutes. Juste être là. Observez les conséquences.

« À chaque fois que je ressentais de la joie, j’avais ce réflexe bizarre de me dire que ça allait me porter malheur. Comme si je n’avais pas le droit. C’était une vieille croyance de mon enfance : ‘ne sois pas trop heureux, tu risques de le payer, ça ne durera pas, ça va te retomber sur le poil‘. 
Et puis je me suis marié avec Isabelle qui semble accueillir la joie comme un cadeau, sans l’obligation de la mériter. Je l’ai vue offrir cette attitude à notre premier enfant, et là, j’ai décidé de me laisser aller davantage. Et ben tu sais quoi, j’en suis pas mort et j’ai l’impression d’être plus heureux ! » 

Témoignage de mon ancien collègue d’une autre vie, Patrick

Question émotionnelle #3 :

Cultivez-vous votre capacité à ressentir la joie ?

La joie, comme toutes les émotions, peut être générée, provoquée et même entraînée. Oui, c’est une compétence émotionnelle. Pas juste quelque chose de spontané ou de magique dû au hasard. Un peu comme un muscle qu’on aurait oublié d’utiliser.

Quelle attention portez-vous à votre ressenti dans les moments simples ?
Quels rituels avez-vous mis en place pour nourrir votre résonance intérieure, votre joie en somme ? 

Sauriez-vous provoquer de la joie pour vous-même ?

Pour produire de la dopamine, il faut produire de la joie. Il est aujourd’hui prouvé que chanter, rire de bon cœur, danser sans se regarder danser, génère une production de dopamine.

C’est le moment de prendre le pommeau de la douche et de chanter à tue-tête votre hymne d’adolescence[2] en mimant la scène live ! (attention de ne pas glisser)

Mode d’Emploi Express : Entraînez votre compétence de joie

  1. Chaque soir, notez une chose qui vous a donné de la joie, même minime ou racontez-la à une personne que vous aimez. Elle sera mieux enregistrée ainsi dans votre mémoire émotionnelle.
  2. Apprenez à la nommer avec le mot qui la révèle : plaisir, gratitude, paix, soulagement, émerveillement, enthousiasme,…
  3. Pratiquez la joie active : dansez, chantez sans vous soucier de qui vous écoute ou vous regarde. (testez le karaoké, c’est parfait pour ça)

À tester :

Le matin, posez-vous cette question : « Quelle sera ma joie du jour ? Comment vais-je la stimuler ?» Et assurez-vous de la provoquer.

Le soir, posez-vous cette question : « Quelles ont été mes joies du jour ? » et un soir, vous verrez, que vous n’aurez plus à le faire, votre cerveau limbique l’aura enregistrée pour vous.

Cherchez dans la liste des 4 accélérateurs émotionnels[3] celui qui est le plus efficace pour vous :

    1. Se souvenir d’un moment de joie (mémoire)

    2. Imaginer un moment de joie (imagination)

    3. Raconter un moment de joie (verbalisation)

    4. La présence d’une personne joyeuse (absorption)

« J’ai commencé un carnet de joie sur les conseils d’un psy. Au début, c’était difficile. Je ne voyais rien de marquant. Et puis au bout de quelques jours, j’ai remarqué que le chant d’un oiseau me faisait sourire. Que le pain grillé le matin me faisait du bien.  Et là, j’ai compris : la joie, ce n’est pas un feu d’artifice. C’est une braise, qu’il faut entretenir chaque jour. Depuis, je suis vigilante à accueillir ce qui me fait du bien. » 

Témoignage de ma maman (40 ans de dépression tout de même ! Une pro)

La joie est une information émotionnelle : elle nous indique ce qui est bon, juste et vivant pour nous et génère la permission de lâcher le contrôle. 
Elle est un levier puissant de résilience, car elle nous permet de recharger les batteries après les tempêtes. 
Elle est même parfois une récompense, car le cerveau limbique génère des hormones qui provoquent un ressenti de plaisir lorsque nous la laissons nous parcourir.

Alors la prochaine fois qu’elle surgit, ne la chassez pas, ne l’analysez pas de peur qu’elle s’évanouisse dans l’air. Accueillez-la. Respirez-la. Laissez-la  vous envahir. Même quelques secondes.

Et nommez-là pour lui donner une réalité. À haute voix c’est encore mieux et ça agacera les bien-pensants.

Parce que la joie, bien accueillie, nourrit le courage, la vitalité et le lien. Et elle nous rappelle une vérité simple, nous sommes venus au monde sans peur, sans colère, sans dégoût ni chagrin. C’est bien la preuve que c’est l’état humain par excellence !


[1] Sources : Paul Ekman, « Emotions Revealed » – John Parr, « Foreplay, Fair Play, Foul Play »

[2] De votre enfance si vous êtes dans l’adolescence 😊

[3] Source : Le concept d’emotional uprisers (accélérateurs émotionnels) Paul Ekman – « Emotions Revealed »

Je dédie cet article à Delphine, amour de ma vie et source de joie au quotidien.